Revue de littérature comparée - N°2/2014

Métamorphoses des mythes

Revue de littérature comparée - N°2/2014

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Présentation

Résumés


Mélanie ADA, Y a-t-il un mythe de Joseph ?, RLC LXXXVIII, n° 2, avril-juin 2014, p. 135-154.
En partant de la conclusion de « Qu'est-ce qu'un mythe littéraire ? » où Philippe Sellier refuse à la figure génésiaque de Joseph le statut de mythe littéraire, l'auteur s'attache à l'inverse à démontrer que Joseph est pleinement un mythe littéraire, dans la mesure où il porte une vision métaphysique complexe et problématique, et où il a généré (du fait même du caractère problématique de la vision métaphysique qu'il exprime) quantité de reprises exégétiques et littéraires, du corpus biblique à nos jours.


Marie-France DAVID-DE PALACIO, Errer et devenir : le parcours faustien de Job, de Goethe à Giran…, RLC LXXXVIII, n° 2, avril-juin 2014, p. 155-170.
Du prologue du Faust I de Goethe se dégage une promesse de salut, confirmée par les Anges au terme du Faust II : Faust sera sauvé parce qu'il a cherché, parce qu'il n'a cessé d'aspirer à autre chose qu'à une tranquillité passive. Cette forme de théodicée fondée sur l'inquiétude et le mou-vement se trouve déjà dans le pari entre Satan et Dieu dans le Livre de Job, qui servit de modèle à Goethe. L'action, accompagnée d'erreurs et d'errances, apparaît comme l'essence même de l'humain. À travers les interprétations du Livre de Job proposées par Kierkegaard, Pierre Leroux et Étienne Giran, relues en parallèle du Prologue au Ciel du Faust I de Goethe, l'étude des modalités de cette inquiétude à la fois peccamineuse et salvatrice se révèle féconde.


Claude COLBUS PAUL, Le Faust d'Adolphe Dennery. Un drame fantastique entre Goethe et Klinger, RLC LXXXVIII, n° 2, avril-juin 2014, p. 171-183.
Si le Faust de Klinger était relativement connu au début du XIXe siècle, le public français n'associa jamais le nom de Faust qu'au drame éponyme de Goethe. Et tous les spectacles français baptisés du nom du nécromancien germanique se fondent exclusivement sur la tragédie goethéenne. Seul Adolphe Dennery écrivit un drame qui s'inspire autant du Faust de Goethe que de celui de Klinger. Mais sa pièce ne se résume pas à une synthèse des deux chefs-d'œuvre. Plus qu'une simple réécriture, son spectacle offre une nouvelle version du mythe faustien, dans laquelle une femme idéalisée montre à son amant le chemin de sa rédemption, conformément à l'essor du culte marial caractéristique de cette époque.


Aurélia GOURNAY, Don Juan et ses doubles au XXe siècle : questionnements identitaires et déconstruction du mythe, RLC LXXXVIII, n° 2, avril-juin 2014, p. 185-198.
Les réécritures contemporaines renouvellent les relations, déjà très étroites, entre le mythe de Don Juan et le motif du double. En se confrontant à ses doubles, c'est, non seulement, son iden-tité que le héros questionne, mais aussi son rapport aux femmes et à l'amour. Mais ces dédou-blements permanents peuvent aussi fragiliser le scénario mythique.


Dimitrios KARAKOSTAS, Le Paysage infernal : cadre de l'action ou élément consubstantiel du récit fantastique et du roman de guerre ? (Nameless City de H.P. Lovecraft et La route des Flandres de Claude Simon), RLC LXXXVIII, n° 2, avril-juin 2014, p. 199-207.
Le paysage infernal, celui du pays des morts tel que l'imaginaient les Grecs anciens et les Ro-mains est un élément très important de la littérature fantastique et du roman de guerre. Le thème de la mort constitue le pivot du récit dans ces deux contextes littéraires, si différents. La lecture des extraits des textes étudiés nous révèle l'importance de l'utilisation de l'antithèse et de la négation d'un point de vue stylistique. L'univers chthonien et nocturne, évoqués par H.P. Lovecraft et Claude Simon, les auteurs étudiés, symbolisent aussi les profondeurs psychiques. La notion d'intemporalité nous rapproche du rêve ou de la condition chaotique. L'écriture à la première personne dans les œuvres choisies exprime, par ailleurs, la présence constante de le conscience humaine s'opposant à la monstruosité ou à l'absurdité environnante.


Delphine GACHET, L'enfer d'Eurydice : de quelques subversions du mythe d'Orphée et d'Eurydice dans la littérature italienne contemporaine (XXe-XXIe siècles), RLC LXXXVIII, n° 2, avril-juin 2014, p. 209-222.
De Pavese jusqu'à Magris, en passant par Buzzati, Bufalino et Calvino, de grands noms du roman italien contemporain ont revisité le mythe de la descente aux enfers d'Orphée. Ces réécritures, qui se sont échelonnées dans le temps et diffèrent par les postures d'écriture adoptées, ont comme point commun la subversion de quelques données d'un mythe qui présente Orphée en poète sublime, et Eurydice en simple muse inspiratrice. C'est autour du mythème fondamental qu'est le « regard assassin », que se joue la subversion : ces interprétations modernes, sans altérer la structure matricielle du mythe, sont ouvertes à de nouveaux questionnements. Les romanciers de notre modernité, au moyen des transformations, subversions que permet la plasticité de ce mythe, peuvent lui faire dire quelque chose sur notre présent.


Anne TEULADE, L'ombre de don Quichotte dans Tristana de Benito Pérez Galdós, RLC LXXXVIII, n° 2, avril-juin 2014, p. 223-235.
Tristana, composé à la fin du XXe siècle, est souvent considéré comme un récit naïf, bien éloigné de l'adaptation subversive qu'en donnera Luis Buñuel en 1970. Toutefois, le roman de Galdós se révèle beaucoup plus complexe, dès lors qu'on le considère comme une réélaboration du mythe de don Quichotte. La référence au roman cervantin réside dans deux aspects différents de la fiction : le héros masculin, don Lope, apparaît comme un don Quichotte moderne, confronté à une société matérialiste qu'il méprise. Mais au-delà de cet usage idéologique et critique de la figure mythique, la plupart des personnages sont définis par une tendance quichottesque à recréer leur vie au prisme de la littérature. Le mythe fournit ainsi une réflexion sur la fiction et l'illusion, à une époque où Galdós questionne son esthétique naturaliste.


Esther BAUTISTA NARANJO, Le Chien de don Quichotte (2012) ou la réécriture du mythe cervantin dans un roman policier de Pia Petersen, RLC LXXXVIII, n° 2, avril-juin 2014, p. 237-250.
Le Chien de don Quichotte, roman policier de Pia Petersen, présente l'histoire d'une fascination littéraire qui réécrit le mythe de don Quichotte d'une façon explicite et très particulière. Hugo est le sale porte-flingue d'un puissant chef d'entreprise qui, influencé par la lecture d'un livre mystérieux à propos d'un courageux chevalier errant et par l'adoption d'un chien abandonné, décide d'imiter le protagoniste pour devenir un héros bienfaiteur. Cette ambition va s'opposer à son métier de sicaire qui doit accomplir la volonté de son patron en réprimant la bande de hackers Vendredi 13, qui se sont approprié quelques documents secrets importants. Cela va amener Hugo vers une dichotomie entre la loyauté à l'égard de son patron et sa nouvelle vision du monde, fondée sur le livre.

Abstracts


Mélanie ADA, Is there a myth of Joseph?, RLC LXXXVIII(in French), no. 2, april-june 2014, p. 135-154.
In "Qu'est-ce qu'un mythe littéraire?", Philippe Sellier reached the conclusion that the Genesitic figure of Joseph should be denied the status of literary myth. Mélanie Adda argues on the contrary that Joseph fully deserves to be considered as a literary myth in so much as he is the bearer of a complex and problematic metaphysical vision and, precisely because of this metaphysical complexity, has generated a great many exegetical and literary rewritings throughout the ages, from the biblical corpus itself to contemporary literature.


Marie-France DAVID-DE PALACIO, To wander and to strive: Job's Faustian way from Goethe to Giran, RLC LXXXVIII (in French), no. 2, april-june 2014, p. 155-170.
From the prologue of Goethe's Faust I there comes into view a promise of salvation, confirmed by the Angels at the end of Faust II: Faust will be saved because he has sought, because he was longing for something else than a mere passive peace of mind. This kind of theodicy based on restlessness and motion is already to be found in the bet between Satan and God in the Book of Job, which Goethe took for his model. Action, with its share of errors and failures, appears as the very gist of humanity. Through interpretations of the Book of Job by Kierkegaard, Pierre Leroux and Etienne Giran, compared with the Prologue in Heaven in Goethe's Faust I, the study of the conditions of this restlessness, both sinful and saving, will finally prove fruitful.


Claude COLBUS PAUL, Adolphe Dennery's Faust. A fantastic drama between Goethe and Klinger, RLC LXXXVIII (in French), no. 2, april-june 2014, p. 171-183.
Although the Faust of Klinger was quite known at the beginning of the 19th century, the French public always associates the name Faust with Goethe's drama. And all of the French spectacles that are named after the German necromancer are exclusively based on Goethe's tragedy. Only Adolphe Dennery wrote a drama that is inspired both by Goethe's and by Klinger's Faust. But his play does not come down to a simple synthesis of these two masterpieces. Indeed, more than a remake of Goethe's or Klinger's works, his Faust turns out to be a new version of the myth in which an idealized woman shows her lover the way of his redemption, according to the develop-ment of the Marian devotion that characterizes that time.


Aurélia GOURNAY, Don Juan and his doubles in the twentieth century: identity questioning and deconstruction of the myth, RLC LXXXVIII (in French), no. 2, april-june 2014, p. 185-198.
Contemporary rewritings renew the already very narrow relationship between the myth of Don Juan and the theme of duality. When the hero confronts himself to his doubles, he questions both his identity and his relationship with women and love. But these permanent changes of characters may also weaken the mythic scenario.


Dimitrios KARAKOSTAS, The infernal landscape: a framework for action or an inherent element of the fantastic narrative and the war novel? (Nameless City by H.P. Lovecraft and La Route des Flandres by Claude Simon), RLC LXXXVIII (in French), no. 2, april-june 2014, p. 199-207.
The infernal landscape, the land of the dead, as it was imagined by the Ancient Greek and the Romans appears as a very important element of fantastic fiction and of the war novel. The theme of death is the pivotal point of the narrative in both literary contexts, despite their differences. A closer reading of the excerpts of the texts studied reveals the importance of the use of the antithe-sis and the negation with respect to style. The chthonic and nocturnal world described by H.P. Lovecraft and Claude Simon, the authors we study, also symbolizes the psychic depth. The notion of timelessness brings us closer to the dream state or to the condition of chaos. Writing in the first person in the texts studied is a way to reveal the constant presence of human conscience, opposing the surrounding monstrosity and absurdity.


Delphine GACHET, Eurydice's hell: subversions of the myth of Orpheus and Eurydice in contemporary italian literature (XX-XXI centuries), RLC LXXXVIII (in French), no. 2, april-june 2014, p. 209-221.
From Pavese to Magris through Buzzati, Calvino and Bufalino, the great names of the contempo-rary Italian novel have revisited the myth of Orpheus' descent into the Underworld. Spread over time and differing in composition, these rewritings all aim to subvert some facet of a myth that casts Orpheus as a sublime poet and Eurydice, as a mere muse. Of all mythemes, the ultimate episode—that of the "glance that kills"—is the focus of contemporary rewritings: these modern interpretations of the myth, though hardly altering the matrix structure, point to new questions. The novelists of modernity, thanks to the transformations and subversions allowed by the flexibility of this myth, have something to say about our times.


Anne TEULADE, Don Quixote's shadow in Tristana, by Benito Pérez Galdós, RLC LXXXVIII (in French), no. 2, april-june 2014, p. 223-235.
Tristana, written at the end of the XIXth century, is frequently considered as a naïve story, far form the subversive adaptation Luis Buñuel gave of it in 1970. Nevertheless, Galdós' novel proves to be far more complex, if we consider it as a re-elaboration of the myth of don Quixote. The reference to the cervantine novel lies in two different aspects of the fiction: the male hero, don Lope, appears as a modern Quixote, confronted to a materialist society he despises. But beyond this ideological and critical use of the idealist mythical figure, most of the characters are defined by a quixotic tendency to recreate their life through literature. The myth thus conveys a reflection upon fiction and illusion, in a period when Galdós is questioning his naturalistic aesthetic.


Esther BAUTISTA NARANJO, Le Chien de don Quichotte (2012) or the rewriting of the cervantean myth in a detective novel by Pia Petersen (in French), no. 2, april-june 2014, p. 237-250.
Le Chien de don Quichotte, a detective novel by Pia Petersen, follows the story of a literary in-fatuation that rewrites the myth of don Quixote explicitly and in a very peculiar way. Hugo is the tough hatchet man of a powerful businessman who, after reading a mysterious book about a brave errant knight and adopting an abandoned dog, takes on an imitation of the protagonist in order to become a kindhearted hero. This aspiration opposes his job as a security agent who has to perform his boss's will and restrain the menace of a group of hackers, Vendredi 13, who have stolen some crucial secret documents from his enterprise. This is all going to put Hugo in a quandary over his loyalty to his boss and his brand new worldview based on the book.

Biographies Contributeurs

Pierre Brunel

Pierre Brunel, membre de l'Institut universitaire de France de 1995 à 2005, est professeur de littérature comparée à l'université de Paris Sorbonne (Paris IV) depuis 1970. Il a orienté une partie de ses recherches sur l'étude des genres littéraires et en particulier sur le roman. Il y applique librement les méthodes de la littérature comparée, et en particulier celles qu'il a essayé de suggérer pour une mythocritique comparatiste.

Daniel-Henri Pageaux

Docteur d'Etat ès lettres (Université de Paris III-Sorbonne nouvelle, 1975). Hispaniste de formation, puis comparatiste (Université de Rennes, 1965-1975). Professeur de littérature générale et comparée à l'Université de Paris III-Sorbonne nouvelle. Membre du Comité Lesage au sein du CRLC (Centre de recherche en littérature comparée, Université de Paris-Sorbonne). Co-directeur de la "Revue de littérature comparée" et membre du comité de rédaction de diverses revues spécialisées (Thélème, Letterature di frontiera, Portulan, Mentalités). Romancier sous le pseudonyme Michel Hendrel..

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Avant-propos, par Pierre Brunel

Articles


Mélanie Adda
Y a-t-il un mythe de Joseph ?


Marie-France David-De Palacio
Errer et devenir : le parcours faustien de Job, de Goethe à Giran…


Claude Colbus Paul
Le Faust d'Adolphe Dennery. Un drame fantastique entre Goethe et Klinger


Aurélia Gournay
Don Juan et ses doubles au XXe siècle : questionnements identitaires et déconstruction du mythe


Dimitrios Karakostas
Le Paysage infernal : cadre de l'action ou élément consubstantiel du récit fantastique et du roman de guerre ? (Nameless City de H.P. Lovecraft et La route des Flandres de Claude Simon)


Delphine Gachet
L'Enfer d'Eurydice : de quelques subversions du mythe d'Orphée et d'Eurydice dans la littérature italienne contemporaine (XXe-XXIe siècles)

Anne Teulade
L'ombre de don Quichotte dans Tristana de Benito Pérez Galdós


Esther Bautista Naranjo
Le Chien de don Quichotte (2012) ou la réécriture du mythe cervantin dans un roman policier de Pia Petersen

Résumés

Abstracts