Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes volume 88

Fascicule 2

Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes volume 88
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Présentation

Marie-Thérèse CAM.Le lexique d'Apsyrtos, source de Végèce (mulom. 3, 13, 4) (p. 7-26)

Une recette fortifiante, appelée « poudre du quadrige », destinée aux chevaux exténués par une course effrénée, est transmise par Végèce seul (mulom. 3, 13, 4), qui l'attribue à l'hippiatre grec Apsyrtos, du traité duquel il avait une version latine. Plusieurs dénominations d'ingrédients posent des difficultés textuelles et d'interprétation. La restauration du texte fait apparaître trois hapax translittérés du grec, cassiam asmalitem (cannelle « qui fait passer l'asthme »), herbam d(e)rosinam (« herbe à la rosée », bétoine), gessemanticam (terre sigillée), et un hapax latin, albimannam (oliban, encens blanc), d'autant plus inattendus qu'ils ont des équivalents latins et grecs usuels : on attendait ad suspirium, betonica, Lemnia ou sphragis, manna turis. Pour les justifier, nous avançons l'hypothèse que la recette a subi deux traductions du iie siècle au ive siècle, passant du latin (langue originelle) au grec (traduction d'Apsyrtos), puis du grec au latin (par le fait du traducteur anonyme), état dans lequel Végèce la reçoit, avant qu'elle soit révisée puis retraduite en grec par un érudit byzantin du ve siècle.

Morgane CARIOU. – Le topos de l'ineffable dans les catalogues poétiques (p. 27-58)

La présente contribution s'intéresse aux formes, origines et fonctions, dans les catalogues de la poésie épique et didactique d'époque impériale, d'une prétérition en vertu de laquelle le poète confesse ne pas pouvoir venir à bout de la matière qu'il s'apprête pourtant à énumérer. Après avoir étudié l'usage de cette remarque préliminaire dans la poésie archaïque et son opposition à la posture choisie par Nicandre, cet article examine son devenir et ses mutations dans la poésie augustéenne puis dans la poésie grecque d'époque antonine. Ce faisant, il entend montrer que le recours à ce topos dans l'introduction d'un catalogue peut être compris à la lumière des théories antiques de l'exorde : le poète, en affichant son honnêteté et sa modestie, cherche à susciter attention et bienveillance tout en faisant l'éloge de son sujet. L'étude de ce procédé permet donc d'aborder par un biais précis la question de la rhétorisation de la poésie impériale.

Marie-Thérèse CAM. – The lexicon of Apsyrtus, Vegetius' source (mulom. 3, 13, 4) (p. 7-26)

Only Vegetius (mulom. 3, 13, 4) transmits a recipe called 'A Race-horse Powder', whose invention he attributes to the Greek veterinary writer Apsyrtus, which proves that he had access to a Latin translation. The composition is supposed to strengthen worn out race-horses after the strain of a race. The recipe has some ingredients that can not be found in other sources and whose names have probably been corrupted. My corrections result in three new words, transliterated from the Greek and not attested elsewhere, cassiam asmalitem (cinnamon 'for the relieve of asthma'), herbam d(e)rosinam (‘dewy plant', i.e. betony), gessemanticam (terra sigillata), and one Latin term, albimannam (olibanum, frankincense). It is surprising to be faced with these terms since Greek and Latin had several other and much more common words to designate the same plants, i.e. ad suspirium, betonica, Lemnia or sphragis, manna turis. In order to account for the presence of those rare terms, I argue that they are the result of two consecutive processes of translation, first from Latin to the Greek source used by Apsyrtus and then from Apsyrtus' Greek treatise to its Latin translation which served as a source for Vegetius ; finally, in the middle of the 5th century, Vegetius' treatise was in its turn translated into Greek by an unknown Byzantine scholar.


Morgane CARIOU. – Le topos de l'ineffable dans les catalogues poétiques (p. 27-58)

La présente contribution s'intéresse aux formes, origines et fonctions, dans les catalogues de la poésie épique et didactique d'époque impériale, d'une prétérition en vertu de laquelle le poète confesse ne pas pouvoir venir à bout de la matière qu'il s'apprête pourtant à énumérer. Après avoir étudié l'usage de cette remarque préliminaire dans la poésie archaïque et son opposition à la posture choisie par Nicandre, cet article examine son devenir et ses mutations dans la poésie augustéenne puis dans la poésie grecque d'époque antonine. Ce faisant, il entend montrer que le recours à ce topos dans l'introduction d'un catalogue peut être Morgane CARIOU. – Il topos dell'ineffabilità nei cataloghi poetici (p. 27-58) compris à la lumière des théories antiques de l'exorde : le poète, en affichant son honnêteté et sa modestie, cherche à susciter attention et bienveillance tout en faisant l'éloge de son sujet. L'étude de ce procédé permet donc d'aborder par un biais précis la question de la rhétorisation de la poésie impériale.

Morgane CARIOU. – Il topos dell'ineffabilità nei cataloghi poetici (p. 27-58)

Il presente contributo analizza le forme, le origini e le funzioni delle preterizioni con cui gli autori di poesia epica e didascalica di età imperiale dichiarano di non poter affrontare in modo esauriente tutta la materia che stanno enumerando. Dopo aver osservato l'uso di una tale considerazione iniziale nella poesia arcaica e come essa si opponga alla posizione adottata da Nicandro, l'articolo esamina il divenire e le trasformazioni nella poesia augustea e poi nella poesia greca di età antonina. In tal modo, si intende dimostrare che l'uso del topos dell'ineffabilità nell'introduzione di un catalogo si comprende meglio alla luce delle teorie anti che sull'esordio : dichiarazioni di modestia e di onestà da parte del poeta tradiscono la volontà di ottenere l'attenzione e la benevolenza del pubblico. Lo studio di questo procedimento permette così di considerare, a partire da un caso specifico, l'importanza della retorica nella poesia di età imperiale.


Alessandra COPPOLA. – L'Apoteosi di Arsinoe di Callimaco : una regina e i suoi modelli (p. 59-64)
L'articolo indica alcuni riferimenti poetici nell'Apoteosi di Arsinoe che sembrano ricollegare la figura della regina a modelli femminili paradigmatici a indicazione di virtù private e pubbliche.

Alessandra COPPOLA. – The Apotheosis of Arsinoe by Callimachus : a queen and her models (p. 59-64)
This paper focuses on some poetical references in the Apotheosis of Arsinoe which might compare the queen with ideal models for private and public virtues.


Éric DIEU. – L'étymologie du verbe latin subō (p. 65-89)

Le verbe latin subō « être en chaleur, être en rut » (anciennement en parlant d'animaux femelles) n'a pas d'étymologie sûre. Cet article propose un rattachement de ce verbe à la racine indo-européenne *k(u)̯seub̯h-, qui dénotait l'idée d'agitation, de secousse, de tremblement, de balancement (cf. sanskrit kṣubh- « être agité, être secoué, trembler, être en mouvement », polonais chybać « balancer, agiter », etc.). Ce verbe latin aurait connu une restriction de ses emplois au domaine sexuel en parlant d'abord d'animaux en rut, puis, secondairement, de femmes en chaleur, et même d'êtres humains en général, voire de divinités. La conservation de ce verbe en latin serait alors un archaïsme de la langue technique des éleveurs.


Éric DIEU. – Zur Etymologie von lateinisch subō (p. 65-89)

Für das lateinische Verb subō „in der Brunst sein" (ursprünglich von weiblichen Tieren) hat sich noch keine sichere Etymologie gefunden. Im vorliegenden Aufsatz wird vorgeschlagen, daß dieses Verb von der indogermanischen Wurzel *k(u)̯seub̯h- „ins Schwanken geraten" zurückgeht (vgl. ai. kṣubh- „schwanken, in Schwankung geraten, zittern, in Bewegung geraten“, poln. chybać „schaukeln, hin- und herbewegen“, usw.). Im Latein wurde die Bedeutung dieser indogermanischen Wurzel auf den sexuellen Bereich beschränkt (ursprünglich von brünstigen Tieren und dann von Frauen, ja sogar Männern und Göttern). Lat. subō wurde also in der Fachsprache der Viehzüchter bewahrt.


Lorenzo FERRONI et Luca GILI. – Syllogistique et méréologie chez Alexandre d'Aphrodise.

Remarques textuelles sur deux passages difficiles du commentaire aux Premiers Analytiques (p. 91-110) Le texte du commentaire d'Alexandre d'Aphrodise au premier livre des Premiers Analytiques d'Aristote n'a reçu qu'une seule édition critique, publiée en 1883 par M. Wallies. Même s'il s'agit d'un travail excellent — du même niveau, sans doute, que les éditions Wallies des Topiques, des Réfutations Sophistiques et du commentaire d'Alexandre aux Topiques —, il y a des passages où les solutions choisies par l'éditeur ne sont pas satisfaisantes. Dans le présent article, on examine deux de ces passages : in An. Pr. 60.21-25, où Alexandre discute le syllogisme catégorique Darii, et in An. Pr. 129.33-130.13, où le commentateur se concentre sur le problème de la validité de la formule syllogistique Barbara LX-L..


Lorenzo FERRONI et Luca GILI. – Syllogistic and Mereology in Alexander of Aphrodisias.

Remarks on Alexander's Commentary on the Prior Analytics (p. 91-110). The text of Alexander of Aphrodisias' commentary on Aristotle's Prior Analytics has been critically edited only once, in 1883, by M. Wallies. Even though it is an excellent edition — certainly of the same level as Wallies' editions of Aristotle's Topics and Sophistical Refutations, and of Alexander's commentary on Aristotle's Topics —, there are passages where Wallies' solutions do not seem convincing. In this article we analyse two passages of this kind : in An. Pr. 60.21-25, where Alexander discusses the categorical syllogism Darii, and in An. Pr. 129.33-130.13, where the commentator focuses on the problem of the validity of the syllogistic formula Barbara LX-L.



Carlo M. LUCARINI. – Gli Anapesti di Plauto e di Seneca (p. 111-135)

I Märschanapäste del dramma greco furono divisi in dimetri dai filologi alessandrini. Questa divisione (che riflette una tendenza sintattica) influenzò profondamente i drammaturghi romani. Plauto compose veri dimetri anapesti talvolta in serie κατὰ στίχον, talvolta (e più frequentemente) facendone settenari o ottonari, ma egli non ne compose serie κατὰ σύστημα (come credono di solito gli studiosi) ; la maggior parte di queste supposte serie κατὰ σύστημα vanno, invece, interpretate come ottonari mescolati a settenari. Gli anapesti di Seneca devono essere interpretati sempre come dimetri mescolati a monometri (il poeta pone iato e indifferens solo in fine di dimetro, mentre la sinafia termina dopo ogni monometro : un comportamento di cui non so indicare paralleli).

Carlo M. LUCARINI. – The Anapests of Plautus and Seneca (p. 111-135)


Greek Märschanapäste were first divided into dimeters by Alexandrian philologists. This division (that reflects a syntactical tendency) influenced Roman dramatists deeply. Plautus composed real anapaestic dimeters sometimes ordering them as a κατὰ στίχον series, sometimes (and more frequently) coupling them as septenarii or octonarii, but he did not compose κατὰ σύστημα series (as scholars generally suppose) and most of these series are more conveniently interpreted as octonarii mixed with septenarii. Seneca's anapaests should still be interpreted as dimeters mixed with monometers (the dimeters are marked off by hiatus and indifferens, while sinaphia strangely enough operates only within a monometer).


Christine MAUDUIT. – Quel œil pour Œdipe ? Note de critique textuelle et d'interprétation (Sophocle, Œdipe à Colone, v. 866) (p. 137-150)

L'article réexamine la construction et le sens du vers 866 d'Œdipe à Colone et propose, sur la base de considérations philologiques, syntaxiques et sémantiques, de faire porter l'adjectif ψιλόν non sur ὄμμα, selon l'interprétation traditionnelle (« mon œil sans défense », désignation métaphorique d'Antigone), mais sur με, dans une construction proleptique. L'adjectif, qui exprime un état de nudité résultant d'une privation, servirait en ce cas la représentation de l'état de dénuement absolu dans lequel se retrouve Œdipe, privé de sa fille Antigone que Créon vient de lui ravir. Cette hypothèse interprétative, qui donne un sens plus satisfaisant à l'adjectif que dans l'interprétation courante, cadre bien, par ailleurs, avec la teneur de la réplique d'Œdipe, qui est une dénonciation de la violence exercée sur lui par Créon, et dont ses filles sont l'instrument.


Christine MAUDUIT. – Œdipus' eye : a critical note on the interpretation of Sophocles, Œdipus Coloneus, 866 (p. 137-150)

In this paper, I question the usual interpretation of Œdipus Coloneus, 866. Considering the precise meaning of the adjective ψιλός (bare, deprived of something), I propose to refer it not to ὄμμα (designating Antigone, both in proper and metaphorical sense), as it is usually understood, but to με, in a proleptic construction. Œdipus would depict himself as ψιλός, because he finds himself deprived of Antigone's presence and assistance, as a result of the violence of Creon.

Andrei TIMOTIN. – Contrainte et persuasion dans la prière. Un aspect de la polémique entre Porphyre et Jamblique (p. 151-165) Dans la Lettre à Anébon, Porphyre attache une importance particulière à la question de savoir si les prières peuvent persuader (πείθειν) les dieux et exercer une contrainte (ἀνάγκη) sur eux, en influençant ainsi leurs décisions. L'article met en évidence son arrière-plan platonicien et le rôle de Plotin dans sa fortune néoplatonicienne. Il étudie également la réaction critique de Jamblique à cette question, dans sa Réponse à Porphyre (De mysteriis), en examinant son fondement doctrinal, ainsi que ses affinités avec la perspective stoïcienne sur la prière.


Andrei TIMOTIN. – Coercion and Persuasion in Prayer. An Aspect of the Polemic between Porphyry and Iamblichus (p. 151-165) In the Letter to Anebo, Porphyry attaches particular importance to determining whether prayers can persuade (πείθειν) gods and coerce (ἀνάγκη) on them, thus influencing their decisions. The article highlights the Platonic background of this very question and Plotinus' role in its Neoplatonic reception. It also examines Iamblichus' critical reaction to the same question in De mysteriis, examining its doctrinal basis and its affinities with the Stoic perspective on prayer.