L'oubli du labeur

Arendt et les théories féministes du travail

L'oubli du labeur
L'oubli du labeur
  • 272 pages
  • Index
  • Livre broché
  • 14 x 22 cm
  • Critique de la politique
  • N° dans la collection : 41
  • Parution :
  • CLIL : 4127
  • EAN13 : 9782252048542
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Présentation

Soin des enfants et des personnes âgées, nettoyage, travail pénible, boulot sale et sale boulot, ces activités ont en commun d’être à la fois nécessaires et invisibles, essentielles et pourtant dévalorisées, difficiles et donc déléguées à d’autres. Elles sont souvent oubliées par les philosophies du travail comme elles le sont dans la réalité sociale. C’est paradoxalement chez Hannah Arendt, pourtant accusée d’avoir une conception réductrice du travail, que l’on trouve une catégorie permettant de les appréhender dans leur unité : celle de labeur. Modifiant la traduction usuelle de sa distinction entre travail (labor) et oeuvre (work), qui renforce l’impression d’une dépréciation du travail par rapport à l’oeuvre, nous proposons de la rendre plus littéralement par le couple du labeur (labor) et du travail (work). Apparaît dès lors chez Arendt une véritable philosophie de l’activité posant le labeur comme condition du travail, lui-même condition de l’action. À l’aide de cette catégorie, elle pointe un ensemble d’activités vouées à la reproduction de la vie qui n’ont pas « droit de cité », mais aussi le redoublement de cet effacement avec l’avènement du social dans la modernité. Malgré l’emprise théorique qu’exerce la logique du labeur, on ne cesse de refuser de le voir, d’en dénier la nécessité comme la dureté, en le confondant avec le travail.
Une convergence aussi frappante qu’inattendue peut être mise en évidence entre cette catégorie de labeur et toute une constellation de concepts issus des théories féministes : le travail domestique, reproductif, travail de care ou encore de subsistance. Ces théories ne se sont pas réclamées d’Arendt, qui elle-même ne s’est jamais revendiquée du féminisme. Mais on peut mobiliser ces concepts pour préciser le sens de la catégorie de labeur, répondre aux problèmes qu’elle soulève quant à sa teneur critique, et en esquisser un usage possible dans le cadre d’une philosophie sociale du travail renouvelée.

Biographies Contributeurs

Katia Genel

Katia Genel, Professeure au département de philosophie de l’Université Paris Nanterre, est spécialiste de philosophie allemande et de philosophie sociale et politique. Ses recherches portent sur la théorie critique de l’École de Francfort, le travail et le féminisme. Elle a publié Autorité et émancipation. Horkheimer et la Théorie critique (2013), Hannah Arendt. L’expérience de la liberté (2016), et avec Jean-Philippe Deranty, Reconnaissance ou mésentente ? Un dialogue critique entre Jacques Rancière et Axel Honneth (2020).

Consulter la table des matières

Introduction – Le labeur : un défi pour la philosophie du travail
I – Écarter le labeur pour définir le travail
II – La spécificité du labeur
III – Aller au-delà d’Arendt : l’apport des approches féministes
Chapitre 1 – Une phénoménologie du labeur
I – Une distinction « inhabituelle » entre labor et work
II – L’enchevêtrement des activités
1) Labor, work et action, entre vie et monde
2) Le labeur comme soin du monde
III – Une dévalorisation du travail ?
Chapitre 2 – Le diagnostic d’Arendt : du travail de la nécessité à la nécessité du travail
I – Une ambiguïté au coeur du diagnostic d’Arendt
1) De l’oubli au déni du labeur
2) Un masquage conceptuel
3) La vengeance du labeur
Une domination par la nécessité
De l’esclave au travailleur
II – Le labeur, une catégorie critique
1) Critique arendtienne de Marx et critique marxienne d’Arendt
2) Une critique de la logique de la consommation
3) La pathologie du labeur
4) Une traduction de la critique sociale en de nouveaux termes
Chapitre 3 – Reconnaître le labeur ou s’en libérer ?
I – Travail ou politique
1) Qu’est-ce que le politique sans le social ?
2) Que faire du projet d’Arendt ?
II – Les stratégies philosophiques pour faire face à la nécessité
1) Le dogme de la nécessaire libération du labeur
Nécessité et liberté : Marcuse, Gorz et Illich
2) Les stratégies d’intégration et de reconnaissance
De la valorisation du travail artisanal à l’autonomie de la subsistance
La reconnaissance du labeur 
Une pensée de la conditionnalité
Chapitre 4 – Au-delà d’Arendt : le labeur dans la constellation féministe (care, subsistance et reproduction sociale) 
Pour une philosophie sociale du labeur
I – Arendt et les féministes : une ignorance réciproque
1) Une non-réception ?
2) La généalogie du social
II – L’apport des théories féministes
à une philosophie du labeur
1) Le labeur, un type d’activités ?
2) Les théories du care : intégrer le labeur ?
Des savoir-faire discrets
Le lot de tous ou de quelques-un(e)s
La dissolution du labeur dans le travail
3) Labeur et subsistance
Se libérer dans le labeur. 
Production, reproduction et subsistance
2) Labeur et reproduction sociale
Labeur, travail reproductif et travail nécessaire
La crise de la reproduction sociale
III – Vers un nouveau modèle normatif pour la critique du travail 
1) Le labeur comme principe critique
2) Différencier la nécessité : subsistance et reproduction
Chapitre 5 – Politiques du labeur : trois modèles de répartition
Répartir le labeur
II – Michael Walzer : l’égalité face aux travaux pénibles
III – Axel Honneth : élargir la catégorie de travail et repenser la participation démocratique
IV – Nancy Fraser : du travail féminin aux trois dimensions du labeur.
Conclusion
Index nominum
Index rerum
Remerciements
Une critique du labeur depuis la reproduction sociale

Extrait